Il y a quelque temps, j’ai invité une copine chez moi, et on s’est fait une petite séance de yoga. On a commencé par kapalabathi, et un peu de nadi shodana. A la fin des séries de respiration, on s’est regardées, l’air semi hagard, et on s’est mises à rigoler comme si on venait de fumer…
Cela ne vous est-il jamais arrivé, au sortir d’une posture, d’une technique ou d’une séance, d’avoir l’impression d’être complètement shooté? De ne pas être sûr de pouvoir conduire pour rentrer chez vous? De voir des couleurs délirantes?
La question qu’on peut se poser alors, c’est: le yoga est-il une drogue? Et si oui, est-ce dangereux?
Des effets bénéfiques
On dit partout que le yoga améliore la santé, et c’est vrai, tout comme d’ailleurs les autres « gymnastiques énergétiques » (qi gong, tai chi, etc). Tous ceux qui pratiquent s’en rendent compte: moins de fatigue, une meilleure résistance aux maladies, un corps plus souple (à condition de ne pas abuser des postures spectaculaires et de ne pas forcer). L’énergie corporelle est décuplée, on a plus de force et de motivation.
Les effets sur le cerveau sont aussi reconnus, car par l’augmentation de la capacité de concentration, le yoga permet de réduire le stress et d’améliorer la qualité du sommeil (voir cette étude). Pour aller plus loin, le Yoga Nidra est une forme de yoga qui travaille sur le sommeil et la possibilité de le contrôler.
Le mode de vie qui va (souvent) avec le yoga est aussi plutôt bénéfique pour la santé, notamment l’alimentation qui a tendance à devenir plus saine (les jours où je pratique, j’ai une envie incontrôlable de manger des légumes et des fruits, alors qu’avant mon régime alimentaire était plutôt catastrophique!).
Pour résumer, la plupart des effets bénéfiques ont été listés dans cet article très clair et précis, et pour ma part, je les ai presque tous expérimentés!
Un trip agréable?
Mais le yoga a aussi d’autres effets agréables proches de certaines drogues… Certaines respirations, postures, ou encore des postures pratiquées avec certaines respirations (dans le natha yoga surtout, où on utilise beaucoup de rétentions), font carrément tourner la tête ou provoquent une suroxygénation du cerveau, ce qui entraîne un état de félicité pure… L’impression de planer complètement, mais sans les effets négatifs des drogues classiques!
Ce qui m’a fait dire a ma copine: « Dis donc, le yoga, c’est vraiment la drogue des pauvres!! On peut carrément se faire un trip gratuit… » Du genre:
La plupart du temps, ce genre de sensation se gère plutôt bien. Dans un cours de débutant, on ne se lance pas dans ce type de travail, ou alors à petite dose, et l’effet reste léger. Dans un cours avancé, les pratiquants se connaissent et savent s’arrêter quand il faut. Et en cas de malaise, le prof est censé gérer la crise…
Cet état est d’ailleurs l’un des buts du yoga: un état de conscience modifié, qui correspond à ce qu’on appelle le Samadhi. Selon Ramana Maharshi, il existe plusieurs formes de Samadhi. Celle que l’on peut expérimenter lors d’une séance est le Savilkalpa Samadhi ou Samadhi différencié: on demeure conscient de l’effort que l’on a fait pour atteindre l’état de lumière, et les activités mentales restent prêtes à émerger de nouveau lorsque cet état cesse. Les autres formes de Samadhi sont celles que seuls les sages atteignent: ils y demeurent et ne vivent plus dans le monde.
Ces états ont de tout temps été recherchés par tous ceux qui sont en quête de spiritualité, que ce soient les chamanes utilisant des drogues (peyotl, etc) ou les ermites méditant et jeûnant durant des jours. Les yogis eux aussi sont en quête de cet état dans lequel on se sent connecté à l’univers, où il nous semble que notre conscience se relie à un Tout, à une connaissance absolue. Certains vont même jusqu’à faire des expériences de sortie de leur corps, comme les voyages astraux.
Mais comme pour la plupart des pratiquants de yoga en occident, mon but n’est pas d’aller vivre en ermite sous un arbre. J’ai un travail, une famille et une vie sociale, et je ne vais pas aller jusqu’à rechercher la dissolution absolue de mon Moi… dont j’ai besoin pour assurer le quotidien!
Alors, il faut profiter de cet état temporaire plutôt délicieux, ensuite il suffit de laisser lentement le cerveau revenir à la « réalité » en fin de séance, et d’en garder le souvenir pendant le reste de la journée/semaine pour aborder le quotidien avec moins de stress et plus de sourires.
Mais quand même, le yoga serait-il dangereux?
- Ce n’est pas un sport de performance
Tout d’abord, le franc succès que connaît le yoga avec la mode du Healthy Lifestyle, et surtout les photos spectaculaires qui circulent sur les réseaux sociaux, notamment Instagram, poussent de nombreuses personnes à se diriger vers le yoga pour la performance sportive. Ils suivent les fameux yoga challenge, et postent des photos spectaculaires, du genre:
Certes, quand on en a la possibilité physique, c’est amusant d’y participer, mais il faut vraiment prendre garde aux blessures, qui peuvent être très vite arrivées. Evitez donc de faire ce genre de postures si vous n’êtes pas entraînés, et seuls chez vous sans aucun guide si vous ne savez pas les faire!
Le danger lié aux blessures est réel, même parfois avec des postures assez simples, comme l’explique cet article paru sur Rue 89.
- Les « montées sauvages » de la Kundalini et autres expériences parapsychologiques
Ensuite, le yoga peut avoir des effets psychiques graves, liés notamment à cet état de félicité évoqué plus haut: c’est ce qu’on appelle le syndrome de la Kundalini. Dans certains cas, l’éveil non guidé de cette force peut provoquer des dommages psychologiques, des hallucinations, des montées d’énergie incontrôlées, etc. Les détails sont expliqués ici, et là (et il doit exister d’autres articles très intéressants sur la toile…).
Certains peuvent aussi devenir « addicts » au yoga et oublier toute vie sociale, y compris leur propre famille.
Enfin, pour éviter les effets indésirables, surtout si on pratique seul chez soi, il faut donc prendre garde à ne pas forcer sur les rétentions ou autres inversions, pour ne pas se retrouver en état de malaise, voire de perte de conscience…
En conclusion…
Bref, pour ma part, je n’ai jamais rencontré de personnes qui auraient souffert de la pratique du yoga, et mes expériences personnelles sont plutôt délicieuses (énergie décuplée, sourires de bouddha, sommeil amélioré, moins de prise de tête…).
Il suffit simplement de ne pas forcer bêtement, de pratiquer dans l’objectif d’un bien-être global, et de ne pas rechercher une forme illusoire d’illumination que l’on n’est pas capable, en tant que débutant, de gérer. Mieux vaut attendre de progresser dans sa pratique dans un bon esprit, non pas tourné vers son ego (« je veux devenir spirituel »), mais plutôt vers le relâchement de celui-ci.
En résumé, le yoga, c’est bon et c’est gratuit (chez soi)! Mais à pratiquer avec modération, ou encadré dans un cours…